LES COUTUMES : LE MARIAGE TRADITIONNEL MALGACHE

Dans chaque société à Madagascar, les coutumes relatives aux mariages sont différentes, mais il existe deux points communs : la demande de la main de la jeune fille et la conclusion du mariage
par l’offre d’un cadeau à ses parents. Deux types d’union se présentent : les mariages arrangés et les mariages par consentement mutuel. Si les partisans du premier soutiennent l’idée selon
laquelle le patrimoine familial ne doit pas passer entre des mains étrangères, d’où la conclusion d’unions consanguines aux effets néfastes, il est supplanté de plus en plus par le second mais il
n’a pourtant pas disparu complètement.
Dans le mariage traditionnel, le processus à suivre est le même dans tout le pays avec trois étapes à suivre. La première est l’entretien privé entre la mère du jeune homme et celle de la jeune
fille, puis après consultation des membres des familles, s’il y a entente entre les deux parties, on passe à la suivante qui est la demande en mariage elle-même. A ce jour indiqué, généralement
un jeudi, admis comme propice à la conclusion de ce genre d’affaire, le prétendant et sa famille se rendent chez les parents de la jeune fille pour y faire leur demande : cette démarche est
appelée « fiantranoana » et généralement, quinze jours ou un mois après, la cérémonie du mariage elle-même a lieu un jeudi. Ce jour-là, les « mpaka » c’est-à-dire le cortège formé du jeune homme
et de quelques membres de sa famille, vont chez la future mariée et pendant la cérémonie qui réunit les deux familles, des orateurs ou « mpikabary », des professionnels en matière de rhétorique,
se font les porte-parole de chaque partie. C’est par leur truchement que chaque famille fait connaître les conditions de cette union : par exemple celle de la jeune fille fait savoir qu’en cas de
mésentente entre les jeunes époux, ce que personne ne souhaite, elle exige qu’on la ramène, intacte, chez ses parents, et qu’on n’exerce sur elle aucune violence corporelle en cas de querelles
conjugales, ce que l’autre partie accepte. Après les paroles de bénédiction à l’adresse des deux jeunes gens, prononcées par le doyen de l’assistance, c’est la remise du « vodiondry » (le
postérieur du mouton), un acte qui marque l’effectivité du mariage car il est assimilé à un contrat liant les
deux jeunes gens. Autrefois, on offrait aux parents de la mariée de la viande de cette partie du mouton, mais pour des raisons de commodité, sans doute, ce cadeau est remplacé par une certaine
somme d’argent. Celle-ci, d’un montant symbolique est enfermée dans des carrés de tissus superposés bien noués, formant un paquet solidement attaché, ce qui est un symbole car il signifie que le
mariage conclu sera aussi difficile à défaire que ce cadeau offert. A l’issue d’un repas offert par sa famille aux invités, la jeune mariée quitte le domicile de ses parents pour suivre son mari
et sa belle-famille et quinze jours après, un autre repas est organisé cette fois par les parents du marié chez eux. Dans le mariage traditionnel, il n’y a ni établissement d’un acte à la mairie,
ni bénédiction dans un lieu de culte comme c’est le cas dans les mariages modernes. Mais pour ne pas rompre avec la coutume, l’offrande du vodiondry à la famille de la jeune fille fait partie des
rites inhérents à toute célébration de cette cérémonie jusqu’à maintenant.

LE MARIAGE

Un proverbe malagasy dit « anambadiam-konamana, iteraha-hodimby », (On se marie pour avoir un compagnon ou une compagne d’une part, et des enfants pour succéder d’autre part).
Cette idée est la base de la notion du mariage dans la société malagasy et si l’une de ces conditions préalables évoquées n’est pas remplie, les liens sont rompus. Il va sans dire que chacun
attend d’une union la naissance d’un ou de plusieurs enfants devant perpétuer la lignée familiale avec une préférence affichée pour les garçons qui succèdent à leur père et qui ont le devoir de
veiller sur le patrimoine familial. L’absence d’enfant dans un ménage le fragilise et dans ce cas, la femme étant considérée comme l’unique responsable de la stérilité du couple, la seule
issue  à une telle union est la séparation, consentie de façon mutuelle, ce qui permet à la femme répudiée de jouir de ses droits c’est-à-dire la récupération du tiers des biens acquis par
le couple durant leur vie commune. Pour mettre de l’ordre dans cette institution, le roi Andrianampoinimerina a fixé une règle en déclarant que le mariage n’est pas attaché par un nœud serré mais
par un nœud coulant ce qui revient à dire qu’on peut le défaire à tout moment, s’il y a mésentente au sein du couple. Andrianampoinimerina a également interdit toute violence sur la personne
désireuse de quitter le domicile conjugal pour retourner chez ses parents car certains maris, ne pouvant tolérer l’échec de leur mariage, portaient la main sur leurs épouses en leur cassant les
dents ou en leur crevant un œil. Quand bien même l’idéal est de considérer le mariage comme le plumage d’un poulet qui ne s’en sépare de ce dernier qu’à la mort, selon un proverbe bien connu, le
mariage est aussi comparé au marché, si on ne s’entend pas, chacun reprend sa route.

COUTUMES ET LEGISLATION

Madagascar compte de nombreux illettrés et beaucoup de parents négligent de faire enregistrer la naissance de leurs enfants au bureau de l’état civil : le résultat est que faute d’acte de
naissance, surtout dans les zones rurales enclavées, il est difficile de connaître l’âge, même approximatif d’un enfant, si bien qu’aux yeux des parents quand une fillette est pubère, elle peut
se marier. Or, la question de la morphologie joue car la puberté des filles est plus précoce dans les régions chaudes de Madagascar que dans le centre du pays, d’où l’existence de fillettes âgées
de treize ou quatorze ans, en état de grossesse, et qui vont allonger la liste morbide des jeunes mères mourant pendant ou après leur accouchement.
Dans beaucoup de régions aussi existe une coutume qui veut qu’une jeune fille dispose librement de son corps dès qu’elle atteint sa puberté et c’est même avec l’aide de ses parents qu’elle
s’installe dans une maison, à elle seule, où elle reçoit ses soupirants. Toutefois, cette cohabitation entre deux jeunes gens n’est acceptée qu’à condition que le jeune homme offre une ou deux
têtes de zébus au futur beau-père. Une telle pratique donne lieu souvent à une sorte d’exploitation des jeunes filles, car beaucoup de pères n’hésitent pas à en faire un objet d’échange en les
retirant de leur domicile conjugal quand les compagnons de leurs filles ne se montrent pas généreux pour les donner à d’autres prétendants, au portefeuille plus volumineux. Certes, ces pères de
famille trouvent leur compte dans cette pratique en devenant propriétaires d’un certain nombre de zébus, au fur et à mesure de ces différentes opérations mais quid de sa progéniture reléguée au
rang de simple marchandise ? C’est également en tant qu’objet de troc que les jeunes filles du sud de Madagascar se rendent au marché hebdomadaire de leur localité pour alimenter les «
tsenan’ampela » (le marché aux filles), avec l’aval des parents et de toute la société en vendant leurs charmes aux plus offrants, tout naturellement car elles ne font que suivre une coutume
établie.
Il est beaucoup question actuellement de lutte contre l’exploitation des enfants, surtout des fillettes mineures mais qu’on ne se trompe pas de cible car l’adversaire à terrasser se trouve être
ces coutumes, bien ancrées dans les mentalités et difficiles à en extirper et qu’on ne peut faire disparaître à coups de lois et de décret à cause de nombreux facteurs de blocage qui existent.
Pour commencer, le gouvernement a fixé l’âge minimum pour les mariages à partir de 18 ans, tant pour les garçons que pour les filles. Mais comment appliquer cette loi quand les parents ne
connaissent même pas l’année de naissance de leurs enfants faute d’état civil, et quand on sait qu’en réalité le chiffre des mariages enregistrés dans les mairies est nettement plus bas comparé à
celui des unions coutumières incontrôlables ? Il faudra de longues et patientes campagnes de sensibilisation pour obtenir des changements dans les mentalités si l’on veut mettre un terme aux
exploitations des enfants mineurs, situation qui ne profite pour le moment qu’aux marchands de chair fraîche, tant nationaux qu’étrangers au courant de l’existence de ces coutumes.

Ces trois articles sont parus dans « passeport pour Madagascar » et ne sont pas signés.