Projet d'enseignement du français langue étrangère
Une semaine à Lokaro
Mélanie
13h15, le 15 mai 2012, arrivée à Fort-Dauphin.
A l’aéroport, je m’engouffre dans un taxi direction le centre-ville, chez Raymonde. Nous sommes un mardi. J’ai trois jours pour préparer mon aventure en brousse à Lokaro. Je pars vendredi avec Myriam, le médecin de l’école.
Ces trois jours passent rapidement. Raymonde me fait découvrir Fort-Dauphin et surtout m’aide à préparer mes provisions en vue de mon séjour à Lokaro. Là-bas, il n’y a ni électricité, ni commerces ; il faut donc bien s’organiser.
Je suis venue ici dans le but d’observer des cours de français donnés à des étrangers et enseigner cette matière.
Vendredi 18 mai
Ça y est, l’aventure commence !
Après avoir fait deux heures de 4/4 sur une piste magnifique, j’arrive à Lokaro…enfin plutôt en face. Nous traversons en pirogue un bras de mer pour rejoindre le village.
Je suis accueillie par Valéry, un des instituteurs, et tout un groupe d’enfants. La joie et l’excitation de voir une « wasa » règnent.
Il est 11 heures et l’école est terminée. Place à la consultation de Myriam. Elle a quasiment une centaine d’élèves à voir.
Pendant ce temps, je m’installe, aidée par tous, dans le Hilton v : petite bicoque en bois, construite par les membres de l’association et les villageois, et qui contient les éléments nécessaires à un séjour confortable (filtre à eau, moustiquaire, matelas gonflable…)
Les élèves sont très curieux de ma présence et passent leur temps à m’observer. Très rapidement, certains d’entre eux commencent à lier connaissance avec moi.
Samedi 19 mai
C’est le week-end : le calme règne au village. Il reste entre 15 et 20 enfants, les autres élèves habitent dans les villages alentour.
Je passe la journée la région avec comme guide la vingtaine d’enfants. Je devrais plutôt dire : je passe la journée à essayer de suivre les enfants ! Ils ont une dextérité incroyable : ils passent d’un rocher à un autre avec l’aisance d’un cabri. Ils marchent des heures sans boire une goutte d’eau et ne sont même pas épuisés.
17 h : la nuit tombe sur Lokaro. Je suis exténuée. Au loin, les lucioles scintillent.
Dimanche 20 mai
Journée moins sportive qu’hier. Je reste à Lokaro même.
La communication avec les enfants est moins aisée que ce que je pensais. Ils parlent peu français et n’osent pas se lancer. On se débrouille donc différemment et le courant passe. Je ne cache pas que je me pose des questions sur mon rôle d’enseignante ici : comment vais-je réussir à leur faire cours ?
Je passe la matinée sur la plage avec eux. Ils me chantent des chansons françaises qu’ils ont apprises ainsi que des chants malgaches. On fait des jeux et ils m’apprennent à jongler avec des graines.
L’après-midi, on décide avec Valéry de débroussailler les alentours de l’école, pour éviter l’abondance de moustiques. Tout le monde s’y met, surtout les grands. Munis de sécateurs et de coupe-coupe, on attaque ! 1 heure et demie en plein cagnard ! On termine l’après-midi en remettant en place le filet de volley-ball et les poteaux. Les élèves ont reçu un colis de collégiens de la Réunion contenant des nouveaux ballons, mais ils ne le savent pas encore.
17h : Je prends le thé avec Valéry et sa femme. Valéry parle très bien français et l’on prépare la journée du lendemain.
Lundi 21 mai
7h30 : Les élèves sont déjà tous là à attendre que l’école ouvre (ça change de la Réunion !!) Les petits jouent pendant que les grands remplissent les bassines d’eau. Valéry est dans sa classe, il écrit au tableau les mots à lire pour les T1 (CP)
Flavina (une des grandes du village) est venue me voir pour nettoyer à la bétadine une plaie au pied. Les enfants ont vraiment acquis la notion de soins.
8h00 : Lever du drapeau avec l’hymne national. Les élèves sont alignés dans un ordre bien précis, encadrés des deux instituteurs (Valéry et Patrice). Les élèves se dirigent ensuite vers leur salle mais avant d’y entrer, ils se lavent tous les pieds et les mains (ils le feront tous les jours, 2 fois par jour).
Je m’installe d’abord dans la salle de Valéry. Il a 36 élèves qui sont 3 par 3 sur les bancs. À gauche, les T1 (CP), à droite, les T4 (CM1). Je me présente (mais ils savent déjà qui je suis) et leur explique le but de ma visite. Valéry traduit en malgache. Nous leur lisons, ensuite, une lettre d’Anne-Marie et ouvrons le colis qui fait leur plus grand bonheur. Il y a plein de nouveaux ballons, des maillots de sport, un pèse-personne.
L’après-midi, je fais la même chose dans la classe de M. Patrice. Il a autant d’élèves (une quarantaine) et les niveaux T2 (CE1) et les T3 (CE2).
Mardi 22 mai
Je m’installe pour la matinée dans la salle de Valéry. J’irai voir l’après-midi la classe de M. Patrice.
J’ai l’impression d’être dans « La petite maison dans la prairie ». Valéry doit gérer deux niveaux différents et des âges différents : ses élèves ont entre 6 et 16 ans. Il jongle très bien entre les deux : pendant que les T4 ont un travail écrit à faire, les T1 lisent à voix haute les syllabes et les mots écrits au tableau. Et inversement.
À midi, une toute petite ne se sentait pas bien. Valéry l’a testée au paludisme, elle était positive. Elle a quitté la classe en larmes. Ce genre de scène se répètera plusieurs fois lors de mon séjour. J’aurai toujours du mal à m’y faire.
La classe de M. Patrice fonctionne à peu près de la même manière. Cependant, comme les deux niveaux sont assez proches, parfois le cours est commun. J’assiste à une heure de grammaire française. La méthode pédagogique de M. Patrice est traditionnelle et je m’aperçois que les élèves ont quand même des bases de français.
Mercredi 23 mai
Ce matin, je travaille avec les T4. Ils doivent écrire une lettre aux collégiens de St Benoît qui leur ont offert le colis. Je prends avec moi les meilleurs en français et nous nous installons à l’extérieur sur une natte, à l’ombre d’un palmier (ça c’est les bons côtés de l’école en brousse !) La séance a été laborieuse : les élèves n’arrivent pas à s’exprimer en français. Ils connaissent des mots mais ont du mal à faire des phrases même simples. On va donc changer de tactique avec Valéry.
12h00 : les élèves ont deux heures et demie de pause. La plupart rentrent chez eux dans les villages alentour. Je partage ma pause déjeuner avec ceux qui restent et, après le repas, nous allons à la plage jouer. C’est un moment privilégié où chacun de nous apprend la langue de l’autre. Tout au long de mon séjour, j’affectionnerai ces instants-là.
L’après-midi se passe simplement : je reste à observer les cours de Valéry et M. Patrice.
Jeudi 24 mai
Journée un peu laborieuse. Les élèves sont tous plus ou moins malades : la grippe principalement. Du coup, ils manquent d’énergie.
L’objectif aujourd’hui est d’écrire la lettre avec les T4. Je leur fais cours. Je parle très doucement et certains (peu) comprennent. Les autres ont besoin de la traduction de Valéry. On fait le plan de la lettre tous ensemble et ensuite Valéry et moi les mettons en groupe d’écriture. En moins d’une heure, chaque groupe a fini son paragraphe…écrit en français ! Il va falloir, évidemment, que je retravaille la lettre mais ils ont fourni un gros effort. On les félicite. Ils sont fiers d’eux et nous aussi.
L’après-midi sera partagée entre les cours et un bilan médical : on mesure et on pèse les élèves. Chaque élève a une fiche à jour. Je ne peux que constater à quel point certains ont un poids trop minime. Ça me fait mal au cœur !
Le soir, Flavina a pris l’habitude de venir me voir et nous passons de plus en plus de temps ensemble à regarder les lucioles, boire du thé, soigner son pied. Avec les jours, elle ose plus parler français et on arrive de plus en plus à converser. J’aime bien ces moments.
Vendredi 25 mai
C’est mon dernier jour !
L’école s’arrête à 11h30 quand Myriam arrive. On n’a donc pas vraiment travaillé ce matin. Il était prévu qu’on aille se balader tous ensemble mais M. Patrice est grippé. On ne se voyait pas vraiment Valéry et moi avec 100 élèves dans la nature.
On reste donc en classe mais l’ambiance n’est pas au travail. On fait des jeux de rôle et je me transforme en institutrices malgaches pour les T1. Ma prononciation provoque un fou rire général. Du coup, les T4 me donnent un cours.
Myriam arrive et il se crée une file d’attente incroyable. Pourtant tous ne sont pas malades mais ça les rassure de voir le médecin. Valéry et moi l’aidons.
14h30 : la visite médicale est finie. Il est temps de dire au revoir. La plupart sont encore là. Il règne de nouveau une surexcitation et je leur promets de revenir.
CONCLUSION
Mon expérience à Zanaky-Lokaro a été riche en émotions. En écrivant ce compte-rendu, je m’aperçois que je n’ai retenu que les bons moments. Pourtant, il y a eu des instants moins faciles : les enfants malades du paludisme ; mon statut d’enseignante de français qui ne trouvait pas un gîte ; le manque de nourriture variée. Mais c’est la magie de Lokaro. Les mauvais moments s’oublient rapidement, seuls les bons restent en mémoire.