Compte rendu séjour de Stéphanie Culier

Etant déjà partie 2 fois à Madagascar dans les régions du Nord et des Hauts Plateaux et ayant envie d’y retourner avec l’idée cette fois-ci de participer à un projet de reboisement, je suis invitée à participer à la réunion des membres de « Zanaky Lokaro » de Saint Vincent d’Olargues, qui s’est tenue en février dernier. Au cours de la réunion, nous évoquons les projets du potager scolaire et de plantation d’arbres fruitiers qui a d’ailleurs été lancée en 2010 par Anne-Marie et Laurent.

Ce dernier projet m’intéresse plus particulièrement alors je propose de me rendre sur place non pas pour proposer des activités aux enfants mais pour dans un premier temps me rendre compte du contexte général : climat, variétés d’arbres adaptés au lieu, environnement, motivation des enfants et instituteurs face à ce projet,…

J’ai donc profité de ce qu’Anne-Marie et Jean-Marie étaient sur place au mois de mars pour me rendre à Fort-Dauphin à ce moment-là, pour dans un premier temps les rencontrer et découvrir avec eux Lokaro pendant une petite semaine, et dans un second temps profiter de mon séjour, dans l’idée d’un projet plus personnel pour faire un stage dans une pépinière horticole et arboricole et aussi de rencontrer des associations ou ONG qui participent à des actions de reboisement. Cela devrait également me permettre d’obtenir des infos techniques qui me seront utiles pour les plantations à Lokaro.

La petite semaine passée à Lokaro auprès des enfants a été bien chargée. J’ai un peu suivi les cours « très didactiques » de Patrice et Valéry, nous avons fait également des jeux et séances de douches pour les filles avec Anne-Marie ; cela m’a aidé à me rapprocher un peu plus des enfants.

Nous avons donc ensuite fait le tour des plantations effectuées en 2010 et avons été agréablement surpris de constater que les enfants s’en étaient bien occupé, ils se rappellent également du nom des arbres et de la période à laquelle ils pourront récolter les premiers fruits.

Cette balade a permis de rencontrer les parents des enfants et les villageois de Vato-Ro-Ka puisque les arbres ont été plantés aux portes des maisons.

Elle m’a également permis de constater qu’il y a peu d’arbres sur la presqu’île ; peu de fruitiers également (quelques arbres sauvages et cocotiers), peu d’agriculture également, seulement quelques rizières et quelques plants de cucurbitacées.

Il a donc été convenu avec les enfants et les instituteurs de continuer les plantations en novembre ou décembre prochain (facile et peu d’entretien pour commencer), et de faire des fiches techniques que tout le monde pourra consulter au besoin et dans le temps.

Les instituteurs ont également exprimé le désir d’être formés à la plantation de fruitiers. Ils souhaiteraient aussi qu’il y ait un potager scolaire mais auraient besoin de quelqu’un pour le mettre en place et en assurer plus ou moins le suivi.

Tout au long du séjour, nous avons été sollicités sans cesse pour des bobos, maux de tête, …

Nous avons pu administrer quelques dolipranes et faire quelques tests de paludisme laissés par le docteur Myriam mais il fut difficile de répondre à toutes les demandes.

Après le départ d’Anne-Marie et Jean-Marie pour la Réunion, les 5 semaines passées à Fort-Dauphin m’ont permis de rencontrer des personnes passionnées par les plantes et investies dans des actions de reboisement. J’ai donc pu dénicher tout un tas d’informations sur les arbres locaux endémiques ou exotiques, et obtenir des conseils concernant les plantations à Lokaro : malgré le vent et le sol sableux, nous pouvons tenter de planter avocatiers, arbres à pain, litchis, bananiers, cocotiers, manguiers, corossols, jacquiers, cœurs de bœuf…  avec du fumier.

On m’a également parlé du meringua qui est un arbre dont les feuilles seraient riches en protéines et sels minéraux. J’ai pris contact avec l’ONG « AZAFADY » qui a déjà planté un certain nombre de meringuas dans la région de Fort-Dauphin, ils font également des réunions d’information auprès des villageois pour leur en expliquer les vertus et leur montrer comment consommer les feuilles et comment les cuisiner. Je leur ai demandé si une intervention pourrait s’envisager à Lokaro, j’en saurai davantage lors de mon prochain séjour.

D’après certains agriculteurs locaux, il serait possible de développer l’agriculture sur la presqu’île de Lokaro malgré le sol qui n’est pas très riche. La prochaine fois je tenterai d’amener un test de PH du sol pour avoir une meilleure idée des variétés de légumes qui pourraient y être cultivées sans trop de complications.

Ce séjour à Fort-Dauphin m’a permis de rencontrer toutes sortes de personnes et de mieux comprendre le contexte religieux, traditionnel, social, économique et politique local.

Les gens sont très chrétiens et en même temps très attachés à leurs traditions, la région semble avoir été totalement délaissée, abandonnée par les pouvoirs publics depuis très longtemps, la crise politique actuelle renforce les problèmes de chômage. L’exploitation minière « Rio tinto » présente à Fort-Dauphin depuis quelques années a entraîné l’augmentation des prix des produits de première nécessité ainsi que le prix des hôtels, il y a donc actuellement peu de tourisme. La route qui relie Fort-Dauphin à Antananarivo est en très mauvais état et l’acheminement des marchandises rend également les produits plus chers. La situation économique est plutôt désastreuse, peu de travail, aucune université dans la région (la plus proche se trouve à Tulear, 300 ou 400 km, ou à Tana), aucun centre de formation technique ou professionnelle. Les perspectives d’avenir des jeunes sont donc très limitées.

Les jeunes femmes n’ont pas tellement d’information concernant la contraception (le sujet est plutôt tabou et ce même dans les collèges), la religion les conforte dans l’idée qu’un enfant est un cadeau de Dieu et la tradition se rajoutant, elles se retrouvent enceintes avec un petit copain qui n’a la plupart du temps aucune intention d’assurer le rôle de père.

Les jeunes femmes qui n’ont pour la plupart pas été scolarisées ou très peu n’ont pas de perspectives ni pour elles-mêmes ni pour leurs enfants.

Compte tenu de tous ces paramètres, les gens ont du mal à se projeter dans l’avenir.

Dans la région, les hommes pêchent mais le poisson se raréfie. L’agriculture n’est pas très développée à Fort-Dauphin même mais il y a différents cultures aux alentours.

Il me paraît essentiel d’aider les jeunes à survivre dans leur propre environnement (car très peu d’entre eux auront l’opportunité de partir) et il me semble que cela doit passer, en plus de l’éducation et de l’école, par le développement de l’agriculture, de l’arboriculture et du reboisement.

Les enfants, s’ils sont sensibilisés et formés, pourront à la fois se nourrir et en faire leur métier ; certains d’entre eux pourront peut- être nourrir leur familles.

Pour conclure, ce séjour m’a à la fois attristée car la situation de la région n’est vraiment pas terrible et les gens sont à tous les niveaux en grande difficulté, et pourtant les sourires et la bonne humeur sont au rendez-vous ! et à la fois motivée à contribuer à mon échelle à trouver des pistes pour améliorer l’avenir.

Petit bémol : Lokaro est très difficile d’accès, le seul moyen de transporter du matériel est de louer un 4×4, cela se complique encore durant la saison des pluies et le trajet représente une certaine organisation et un certain coût. (40 à 50 € le trajet).

SC