(D’après mon observation et ma connaissance certainement très parcellaire)
Par Anne-Marie Mignet
Dès qu’une personne décède elle accède au statut d’ancêtre. L’ancêtre est donc forcément une personne défunte (je ne sais pas si les enfants morts ont aussi le statut d’ancêtre). Le culte est basé sur une croyance d’une vie après la mort. L’esprit de l’ancêtre est toujours présent dans la vie des vivants et il est plus puissant que lorsque la personne était vivante. Les vivants qui restent sont dans le souci de ne pas mécontenter cet esprit qui pourrait se manifester par des maladies ou même la mort.
Les malgaches ont un dieu (Zanahary) qui semble être bien moins important que les esprits des ancêtres. En tout cas ils en font moins de cas. Lors de la sépulture les fastes servent à satisfaire l’esprit du mort qui sinon risquerait d’être mécontent et de venir réclamer son dû.
Deux points importants pour la sépulture donc :
- Que le défunt soit enterré sur la terre de ses ancêtres qui l’ont précédé
- Qu’un animal soit sacrifié. Tous les parents et amis sont conviés à venir fêter l’événement.
Peu de gens ont les moyens de ces festivités et ils s’endettent pour que le défunt reçoive tous les honneurs. Si plusieurs décès ont lieu dans la même famille à des dates rapprochées l’avenir de tous est compromis. La pauvreté devient rapidement de la misère lorsque l’on sait que l’usure est encore une pratique courante là-bas.
Le culte des ancêtres tel qu’il est pratiqué actuellement est un culte de la peur. La peur que l’esprit de l’ancêtre vienne se venger s’il n’est pas satisfait. Si des soucis de santé ou autre surviennent c’est l’ancêtre qui est mécontent. La pauvreté ne permettant pas de faire des sacrifices d’animaux à chaque épreuve rencontrée, il s’ensuit un fatalisme devant l’épreuve. La maladie est toujours vécue comme la manifestation d’un ancêtre qui s’exprime. Les amulettes et les gri-gri sont presque universellement portés par les enfants.
Il fut une époque où les anciens étaient des sages et les valeurs qu’ils portaient tout au long de leur vie étaient sous le signe de la bienveillance envers tous. Son esprit au-delà de la mort portait donc ces valeurs de bienveillance et ceux qui lui survivaient étaient sereins. Avec l’appauvrissement matériel, toutes les valeurs humaines traditionnelles sont disparues et les anciens ne sont plus des sages, ils ne sont plus des exemples pour les jeunes. D’où la disparition de cette bienveillance et l’entrée dans la peur. Si le vieux qui est parti était un voleur et un menteur, s’il abusait de sa position d’ancien pour imposer aux jeunes une loi injuste, on craint qu’il ne continue à sévir après sa mort.
Il est important de rappeler que cette société traditionnelle est fortement basé sur le respect des anciens. Ce respect se manifeste par un despotisme : les jeunes n’ont pas le droit à la parole et c’est l’ancien qui décide de tout. Il induit une obéissance sans faille aux anciens quelle que soit la proposition : c’est toujours le plus vieux qui a raison !
Les vieux déplorent que le respect des anciens n’ait plus court. Les jeunes ne respectent plus les vieux : c’est-à-dire qu’ils n’obéissent plus aveuglément. Si les vieux ne sont plus des sages, si leurs propositions sont injustes, les jeunes n’obéissent plus. Les vieux ont tendance à condamner les jeunes qui n’obéissent plus mais peut-on obéir à un tricheur ?
Cela me paraît plutôt évolutionnaire et nous pourrions assister à un retour des vraies valeurs humaines si la jeunesse arrive à braver cette tradition fortement ancrée de « respect de l’ancien ». C’est un début de détachement de la peur de l’ancêtre qui pourrait bien modifier la tradition du culte.