AUTOUR DE L’ENFANT MALGACHE

In passeport pour Madagascar Janvier-Février 2012

La population malagasy croit en l’existence d’esprits invisibles qui rôdent autour des vivants et on leur attribue le pouvoir de les terroriser ou de les rendre malades. Ces esprits se manifesteraient surtout dans l’obscurité et dans la nuit et choisiraient comme proie les enfants, surtout les bébés, êtres fragiles sans défense et influençables. On croit que les pleurs nocturnes et prolongés des jeunes enfants que les bercements ne parviennent pas à calmer sont dus à leur présence silencieuse et invisible. A cause de la crainte qu’on éprouve à leur égard on évite, autant que possible, de sortir les bébés le soir mais si, dans certaines situations inévitables, cela devait se produire, on prend alors la précaution de brûler un objet dégageant une odeur nauséabonde comme des mèches de cheveux ou un bout de caoutchouc ou en corne avant qu’on ne leur fasse franchir le seuil de la maison, car l’odeur en question aurait la vertu de chasser les esprits malveillants.

Eviter de qualifier un enfant de beau, de mignon, serait la meilleure précaution à prendre pour que les esprits rôdeurs se détournent de lui et cherchent d’autres proies ailleurs. C’est toujours dans le but de le protéger que serait née la coutume qui veut qu’on lui donne un vilain nom qui est celui d’un animal (chien, rat, maki, chat sauvage, hibou, sanglier, etc…) ou un nom scatologique (excrément, ordure). Ce nom aurait alors le pouvoir d’éloigner de l’enfant ses assaillants invisibles. Citons à titre d’exemple, le nom Imboasalama (le chien en bonne santé) donné pendant son enfance au futur roi Andrianampoinimerina qui, avec sa sœur Ralesoka, était le rescapé d’une fratrie de six enfants, les autres étant décédés en bas âge, car on espérait qu’avec cette parade la mort l’ignorerait.

Autrefois était considéré comme tabou le fait de parer un enfant avec un bijou en or car ce métal précieux, croyait-on, serait très apprécié par les esprits malfaisants qui s’en prendraient alors à celui qui le porte et l’emmèneraient avec eux. On veillait au contraire à ce que l’enfant soit toujours dans un état de saleté repoussante, en le laissant se couvrir de poussière et avec un nez qui coule abondamment, bref de quoi susciter du dégoût paraît-il, chez les esprits qui le verraient. Chez certaines populations de Madagascar, on renforçait ce dispositif de protection de l’enfant en lui badigeonnant la figure avec une pâte de boue blanche et du charbon pour qu’il ait une apparence hideuse, ce qui lui sauverait la vie.

Il existe un autre moyen de protection contre ces esprits indésirables : le feu. En effet, d’après les croyances populaires, les flammes les chasseraient facilement et ce serait la raison pour laquelle, au retour d’un enterrement, on allume un feu devant le seuil de la maison et par-dessus lequel tout le monde, adultes et enfants, doivent sauter avant de pénétrer à l’intérieur. Voilà quelques croyances populaires qui sont toujours vivantes jusqu’à nos jours.

L’ENFANT DE MADAGASCAR

Aussi étrange que cela puisse paraître, un enfant porte, dès sa naissance, un grand poids sur ses petites épaules, car dès qu’il pousse ses premiers vagissements en se retrouvant à l’air libre, il est déjà investi de toutes sortes d’obligations envers sa famille et la société. L’arrivée d’un nouveau-né dans une famille n’est pas un fait anodin car elle répond d’abord à un besoin fondamental : celui de la garantie de la pérennité de la lignée, chose très importante chez les Malagasy car l’extinction de celle-ci est une idée que beaucoup jugent insupportable. Suivant son sexe, l’enfant est prédestiné à remplir un rôle précis : un garçon sera l’héritier, le successeur, le remplaçant de son père en cas de disparition de ce dernier, le soutien de sa famille, le rempart de ses sœurs, le gardien du patrimoine familial, le travailleur de la terre, le recours de ses sœurs en difficulté dans leurs ménages, le soldat défenseur de sa patrie, l’incarnation du devoir à accomplir. Une fille sera l’auxiliaire de sa mère dans les tâches ménagères, celle qui va ramasser du bois, qui cherchera de l’eau à la fontaine, qui pilera le riz. Ces futures attributions de l’enfant sont évoquées dans la formule de félicitations adressées à une nouvelle accouchée : « Félicitations car vous avez maintenant un laboureur, si c’est un garçon, ou une chercheuse d’eau, si c’est une fille ».

Quand l’enfant a cinq mois et commence à s’asseoir, ses parents* le portent sur le dos pour le bercer ou pendant leur

Déplacement, un mode de portage généralisé dans tout Madagascar et qu’on appelle « babena » (porter sur le dos). Cette obligation des parents envers leur progéniture dure jusqu’à ce que l’enfant marche et une fois, devenu adulte, ce dernier revaut à ses parents leur fatigue de l’avoir porté sur leur dos, en leur témoignant sa reconnaissance, un acte dénommé « valim-babena » (littéralement la réplique au fait qu’ils l’aient porté sur le dos).

C’est pendant son enfance que l’enfant apprendra les règles de la société en imitant ce que font les adultes : respect de ceux qui ont les cheveux blancs et des plus âgés que lui (qu’ils soient de sa famille ou non), interdiction de s’asseoir, de manger ou de boire avant les parents ou les aînés, de prendre la parole avant eux, de toucher au croupion de volaille, portion qui leur est réservée, de les laisser porter un fardeau quelconque, de marcher devant eux, des les dépasser au cours d’une marche sans l’annoncer, etc… Voilà quelques aperçus des obligations d’un enfant de Madagascar envers ses parents, sa famille, la société et jusqu’à maintenant, elles sont pour la plupart respectées.

Extrait de « Passeport pour Madagascar – janvier/février 2012 » sans auteur

* je n’ai personnellement jamais vu d’enfant porté dans le dos par le père ! Il serait plus juste d’écrire « sa mère le porte sur le dos… » (Anne-Marie)